VALSE AVEC MON CINEMA

L'EXORCISTE - WILLIAM FRIEDKIN (1973)

États-Unis - Durée: 125 minutes (Version intégrale)

Adaptation du livre ''The Exorcist'' de William P. Blatty basé sur une histoire vraie et sorti en 1971.

 

Distribution: Ellen Burstyn, Linda Blair, Max Von Sydow, Lee J.Cobb, Jason Miller, Kitty Winn, Jack Mc Gowan, Révérend Thomas Bermingham...

 

Si le cinéma de ce nouveau millénaire nous propose de plus en plus d'oeuvres où le sang doit absolument jaillir de corps meurtris, torturés, tronçonnés, démembrés, 1973 était l'année de sortie d'un film novateur en la matière, à la fois minimaliste dans sa réalisation et brillant d'un point de vue effets spéciaux.

 

Un film qui s'inscrit dans une période cinématographique américaine bien particulière. Celle du changement: Le Nouvel Hollywood. Ou la fin du règne des producteurs au profit de metteurs en scène plus présents et plus déterminés que jamais. Quelques noms: George Lucas, Steven Spielberg, Michael Cimino, Martin Scorsese, Milos Forman, Brian De Palma, Hal Ashby, Dennis Hopper, Francis Ford Coppola...et j'en passe.

 

Quand William Friedkin, fraîchement oscarisé pour son premier long-métrage French Connection (1971) accepte de réaliser ce film de commande ''soi-disant'' basé sur des faits réels relatés dans le livre éponyme de William Peter Blatty (scénariste et producteur de l'adaptation), il ignore encore que son œuvre deviendra un véritable phénomène mondial et un classique du genre.


L'HISTOIRE:

 

Chris Mc Neil (Ellen Burstyn), actrice adulée séparée pour un temps de son époux, élève sa fille Reagan (Linda Blair) à Georgetown, un quartier de Washington D.C. Mère et fille mènent alors une vie paisible et sans gros nuage jusqu'au jour où Reagan, peu après avoir manipulé une vieille tablette Ouija* commence à se comporter de façon bien étrange. Alors prise de violents spasmes et de sautes d'humeur incompréhensibles de tous.

 

Après l'incident notable où la jeune fille, pourtant alitée depuis plusieurs jours, rejoint sa mère et quelques invités pour menacer l'un d'entre eux avant d'uriner sur la moquette du salon, Chris décide sérieusement de la faire examiner. Selon le diagnostic déroutant mais peu affolant des médecins, il s'agit là de troubles nerveux assez rares dus à la prépuberté de la fillette d'ordinaire douce et agréable. Cependant, le comportement de Reagan ne fait qu'empirer de jour en jour. Son visage de jeune fille laisse alors place à une figure de plus en plus hideuse aux rictus terrifiants.

 

Chris, après avoir compris que la science ne pouvait plus grand chose pour sa fille mais également après le meurtre inexpliqué de son ami Burke (Jack Mc Gowan) finit par se tourner vers l'Eglise. Bilan: Reagan serait possédée par une entité démoniaque. Avec l'aide de deux prêtres exorciseurs (William O'Malley et Max Von Sydow) le pénible et long combat de Chris pour retrouver sa fille commence...

 

 

La portée documentaire et l'aspect réaliste de certaines scènes du film combinés à de véritables prouesses techniques inscrivent cette oeuvre dans une démarche typique des années 70. Période chérie pour les auteurs où chacun pouvait laisser libre cours à sa personnalité, à ses envies et à ses ambitions ...si grandes soient-elles. Ici, la motivation de William Friedkin n'était pas seulement d'adapter une oeuvre mais davantage de faire un meilleur film que son homologue et ami, Francis Ford Coppola.

 

Si l'Exorciste de William P. Blatty permettait une grande liberté d'imagination aux lecteurs, ce difficile projet d'adaptation demandait à ses commandes quelqu'un d'affirmé et de téméraire. Car à cette période, les effets spéciaux nécessaires aux transformations de la jeune héroine (lévitations, possession, esprits frappeurs...) semblaient pour beaucoup impossibles à réaliser car bien au-delà de ce que les studios (ici, la Warner Bros) étaient capables de faire.

 

 

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  William Friedkin sur le tournage de son film maudit

 

 

Reste qu'en réalité, le plus difficile dans l'histoire de ce film n'était pas d'innover mais bel et bien de contrôler le monstre Friedkin dont le surnom était "Willy le cinglé'' ou "Willy The freak" pour les anglophones. L'auteur, caractériel, odieux, imprévisible mais doué et sûr de lui était d'un sadisme qui semblait le pousser à saborder son propre tournage et à virer les gens avant de les réhabiliter pour mieux les terroriser. Dans les annales du Making-of citées dans l'ouvrage "Le Nouvel Hollywood" de Peter Biskind, un technicien rapporte: << C'est le seul type que je connaisse qui serre la main à quelqu'un, le sourire aux lèvres et plein d'enthousiasme, et qui dans la seconde qui suit dit: '' Foutez-moi ce type dehors." >> William Friedkin se voyait plus doué pour la réalisation que pour soutenir son équipe comme il l'avouera lui-même: "Je préfère travailler avec trois piquets qu'avec des acteurs".

 

Ne se gênant pas pour gifler William O'Malley, véritable prêtre jésuite devenu acteur pour l'occasion parce qu'il échouait à donner l'effet voulu lors d'une absolution, tirant en l'air avec une arme chargée à blanc pour provoquer chez les autres peurs et surprises; ou encore exploitant la douleur de l'actrice Ellen Burstyn (Chris).

 

Pour l'exemple, cette scène où Reagan qui s'enfonce un crucifix entre les cuisses doit projeter sa mère contre un mur. Le harnais prévu pour la sécurité d'Ellen Burstyn lors de la cascade était géré par un technicien auquel Friedkin donna l'ordre de tendre le dispositif au maximum. L'actrice retombant lourdement et violemment sur son coccyx, hurla de douleur, mais voilà le résultat que recherchait "Crazy Willy": un réalisme jusqu'au boutiste...

 

Autre tragédie pour le moins déroutante, neuf personnes auraient également trouvés la mort pendant la période du tournage (dont Jack Mc Gowran qui interprétait Blake Dennings...) de façon directe ou indirecte.

 

Autant d'éléments perturbateurs qui participèrent davantage à la dimension horrible de ce film. Voilà ce que j'adore. C'est autant ce qu'il nous raconte que l'ambiance dans laquelle tout fut réalisé. J'ai toujours aimé connaître l'envers du décor pour les films que j'analyse. Un moyen pour moi de dédramatiser (savoir que le sang des films d'horreur serait un sirop parfumé) ou de dé-déifier un univers où tout semble parfait tellement le produit fini nous plaît. Minute les papillons...un film peut en cacher bien d'autres. Tout n'est pas d'or!

 

L'Exorciste est donc un film à l'impact incroyable. Lors de sa tonitruante sortie en salles, tout le monde semblait vouloir participer au cauchemar 70's.

 

Dommages collatéraux et troublants. Ceux qui y parvenaient étaient bien souvent pris de crises d'hystéries, s'évanouissaient, criaient, souvent vomissaient et surtout peinaient ensuite à s'endormir dans leur confortable petite maison. De la litière était saupoudrée par les exploitants entre les rangées avant les projections pour prévenir tout rejet et des ambulances étaient parquées à l'avance pour évacuer les plus touchés. Suite à toute cette agitation, l’église reçut une multitude de lettres qui confiaient la peur de certaines personnes qui se sentaient possédées ou à défaut, soupçonnaient leurs proches d'être aux prises avec le malin. Et un grand nombre d'entre eux, croyant ou non, cherchait à se laver de leurs péchés en retournant se confesser.

 

La puberté féminine, fruit d'une peur et d'une crainte des hommes du film, était le thème prépondérant avec au centre ce manichéisme propre aux américains qui démontrait comment le Bien et le Mal cohabitaient. Soit très difficilement. Et Satan n'était plus juste un démon maléfique, il prenait la place du père de Reagan et celle du mari absent de Chris. Le sang pré-menstruel semblait souiller les sièges et les murs de l'Amérique. Mais ici, c'est bel et bien le réalisateur Friedkin qui semblait être le diable en personne.

 

Pour en savoir plus, allez consulter cet article très intéressant ici:

http://www.gameblog.fr/blogs/noiraude/p_77794_tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-l-exorciste-



18/11/2012
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